Publications

La non reprise du paiement des salaires par l’employeur dans un délai d’un mois à compter de l’inaptitude n’ouvre pas droit au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis

Cass. Soc., 5 juillet 2023, n°21-25.797

Le manquement de l’employeur qui ne reprend pas le paiement des salariés à l’expiration du délai d’un mois suivant un licenciement pour inaptitude, peut-il être sanctionné par le paiement d’une indemnité de préavis ?

La Cour de cassation répond par la négative, à l’inverse des juges du fond.

Pour mémoire, l’article L.1226-4 du Code du travail prévoit que :

  • Dans son 1er alinéa :  lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
  • Dans son 3ème alinéa : en cas de licenciement pour inaptitude non professionnelle, le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement : aucune indemnité compensatrice n’est due.

Dans cette affaire,

  • Un salarié est déclaré inapte à son poste de travail le 18 avril 2014, dans un contexte d’origine non professionnelle.
  • Il est licencié pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement le 6 juin 2014.
  • L’employeur ne lui verse pas son salaire à l’issue du délai d’un mois suivant le constat de son inaptitude soit entre le 18 mai et le 6 juin 2014.

Le salarié saisit le juge prud’homal en faisant notamment valoir que la méconnaissance de l’article L.1226-4 al 1 lui ouvrait droit à l’indemnité compensatrice de préavis.

Les juges du fond ont accueilli sa demande – tout en jugeant que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse -, et ont ainsi condamné l’employeur à verser le rappel de salaire correspondant pendant le mois litigieux, ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis, à titre de sanction pour le manquement constaté dans la reprise des salaires.

Ils considèrent ainsi que le paiement de l’indemnité de préavis (en principe non due suite à un licenciement pour inaptitude) constitue une sanction de tout type de manquement de l’employeur à ses obligations, alors qu’une telle sanction n’avait jusqu’ici été admise qu’en cas d’absence de cause et sérieuse du licenciement.

Cassant cette décision, la Cour de cassation, après avoir rappelé l’article L.1226-4 al 3, relève que le manquement de l’employeur à son obligation de reprendre le paiement du salaire, ne justifiait pas d’introduire une nouvelle exception au principe d’absence de droit à l’indemnité compensatrice de préavis.

Cet arrêt reprend l’avis de l’avocate générale qui considère que c’est exclusivement l’imputabilité finale de la rupture qui détermine le versement éventuel de l’indemnité compensatrice de préavis.

Ainsi :

  • Si la rupture a été causée par un manquement de l’employeur et que l’inexécution du préavis lui est imputable : l’indemnité compensatrice de préavis est due, puisque sans ce manquement, le préavis aurait pu être exécuté (Cass. Soc., 13 avril 2022 n°21-10.525 ; Cass. Soc.,30 mai 2012 n°10-20.106 : pour une résiliation judiciaire),
  • Si la rupture est liée à l’impossibilité physique du salarié d’exécuter son travail, alors l’indemnité compensatrice de préavis n’est pas due, le salarié n’étant pas en mesure de le réaliser.

En l’état de cette décision, le caractère infondé du licenciement demeure donc la seule exception au non-paiement d’une indemnité compensatrice de préavis suite à un licenciement pour inaptitude.