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Attribuer une prime exceptionnelle pour surcroît de travail à des salariés non-grévistes n’est pas discriminatoire 

Cass. Soc., 3 avril 2024, n°22-23.321

Selon l’article L.2511-1 du Code du travail, l’exercice du droit de grève ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunération.

Ainsi, en principe, est discriminatoire l’attribution par l’employeur d’une prime aux salariés selon qu’ils ont participé au non à un mouvement de grève (Cass. Soc., 1er juin 2010, n°09-40.144).

L’employeur peut, en revanche, accorder une prime exceptionnelle à des salariés non-grévistes si la cause du versement de cette prime est étrangère à l’exercice du droit de grève. C’est précisément ce que rappelle la Cour de cassation dans cet arrêt du 3 avril 2024, au sujet du versement d’une prime exceptionnelle à certains salariés non-grévistes en raison du surcroît de travail auquel ils ont été confrontés.

En l’espèce, un employeur annonce, lors d’une réunion extraordinaire du comité d’entreprise d’une UES, le versement d’une prime exceptionnelle à certains salariés non-grévistes, attribuée en raison d’une « surcharge exceptionnelle de tâches confiées à certains collaborateurs » et destinée à récompenser les efforts supplémentaires fournis par certains collaborateurs ayant accepté d’effectuer des tâches ne relevant pas de leurs fonctions habituelles.

S’estimant victimes de discrimination dans l’exercice de leur activité syndicale et de leur droit de grève, les salariés grévistes assignent l’employeur devant la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement de rappels de salaire correspondant au montant de cette prime exceptionnelle ainsi que des dommages et intérêts.

Sensibles à leurs arguments, les juges du fond condamnent l’employeur à verser à chaque salarié le rappel de salaire sollicité, considérant que cette prime exceptionnelle, accordée aux seuls salariés non-grévistes, constitue un avantage salarial discriminatoire.

La Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond et rappelle, au visa de l’article L.2511-1 du Code du travail, que l’attribution à certains salariés non-grévistes d’une prime exceptionnelle correspondant à un surcroît de travail ou à la réalisation de tâches en dehors de celles prévues par leur contrat de travail, ne constitue pas une mesure discriminatoire, cette attribution ayant une cause étrangère à l’exercice du droit de grève.

Concrètement, pour déterminer si l’attribution d’une prime à des salariés non-grévistes constitue ou non une mesure discriminatoire, les juges du fond doivent rechercher si :

  • La prime litigieuse a été versée à l’ensemble des salariés non-grévistes ou aux seuls salariés non-grévistes ayant accepté d’effectuer des tâches supplémentaires ne relevant pas de leurs fonctions ;
  • Ladite prime a exclusivement vocation à compenser un surcroît de travail.

Cette décision est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, laquelle a précédemment admis que l’employeur puisse accorder une prime aux salariés non-grévistes à condition que soit caractérisé un surcroît de travail (Cass. Soc., 3 mai 2011, n°09-68.297).