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Un accord portant rupture conventionnelle collective ne peut se substituer à un PSE dans le cadre de la fermeture d’un établissement

CE, 21 mars 2023, n°459626

Dans un arrêt du 21 mars 2023, le Conseil d’État a rendu sa première décision relative au contrôle par l’administration des accords portant rupture conventionnelle collective (RCC).

Aux termes de l’article L.1237-19 du code du travail, ces accords doivent exclure tout licenciement afin d’atteindre les objectifs qui leur sont assignés en termes de suppression d’emplois.

Dans l’affaire en cause, une entreprise avait conclu le 15 décembre 2020 un accord majoritaire fixant le contenu d’une RCC, avec pour champ d’application l’ensemble des salariés de l’un de ses de sites de production, situé à Romorantin.

Cet accord, validé par l’administration le 5 janvier 2021, prévoyait qu’aucun licenciement ne serait prononcé pendant toute sa durée d’application, soit jusqu’au 30 juin 2021.

Un syndicat non-signataire à l’accord a saisi la juridiction administrative d’une demande d’annulation de la décision de validation de cet accord de RCC, considérant qu’il n’était en réalité pas exclusif de tout licenciement.

A cette fin, le Syndicat faisait valoir qu’une note remise au CSE par l’employeur en amont de la signature de l’accord évoquait :

  • « la fermeture du site de production de Romorantin » et « le transfert de ses activités et de l’ensemble de ses collaborateurs » vers d’autres établissements de l’entreprise, dans le but de vendre le site « après sa désindustrialisation »,
  • un projet de PSE dans le cas où plus de dix salariés refuseraient la modification de leur contrat de travail nécessitée par ce transfert.

De sorte que, à terme, les salariés non-candidats au départ avaient vocation à être licenciés.

Le Conseil d’État a donné raison au syndicat en considérant qu’un accord de RCC ne peut être validé par l’autorité administrative lorsqu’il est conclu dans le contexte d’une cessation d’activité de l’établissement ou de l’entreprise, conduisant de manière certaine à ce que les salariés n’ayant pas opté pour le dispositif de rupture conventionnelle fassent l’objet, à la fin de la période d’application de cet accord, d’un licenciement pour motif économique, et le cas échéant, d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

Au cas d’espèce, la fermeture du site avait été décidée avant la signature de l’accord et les salariés n’étaient en définitive « pas en mesure d’espérer un maintien dans leur emploi à l’issue de la période d’application de l’accord ». Ceux des salariés qui n’auraient pas accepté une rupture d’un commun accord ne pouvaient qu’être licenciés pour motif économique à l’issue.

Ainsi, en l’absence d’un véritable choix offert au salarié entre le départ volontaire ou le maintien dans l’entreprise :

  • le caractère volontaire de l’adhésion au dispositif de RCC était remis en cause.
  • Le recours à un accord de RCC constituait un contournement des règles relatives à l’élaboration d’un PSE.

Le recours à un accord de RCC ne peut donc s’envisager dans le cadre d’une fermeture d’entreprise ou d’établissement.