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Lorsque le délégué syndical démissionne de son mandat, la protection contre le licenciement vaut jusqu’à l’information expresse de l’employeur.

Cass. soc., 14 juin 2023 n°21-18.599

Aux termes de l’article L. 2411-3 du Code du travail, « Le licenciement d’un délégué syndical ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail. Cette autorisation est également requise pour le licenciement de l’ancien délégué syndical, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, s’il a exercé ces dernières pendant au moins un an ».

Au cas d’espèce, un délégué syndical avait informé son syndicat, le 21 janvier 2016, qu’il renonçait à son mandat qu’il détenait depuis moins d’un an. Le 28 janvier 2016, l’employeur, qui avait visiblement eu écho de cette renonciation avait remis au salarié, en main propre, une convocation à entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Toutefois, ce n’était que le 1er février 2016 que l’employeur était informé, par écrit du syndicat, de ce que le salarié concerné renonçait à son mandat de délégué syndical.

Le salarié était licencié pour faute grave le 4 mars 2016.

Aussi, considérant qu’à la date d’engagement de la procédure de licenciement, la protection dont il bénéficiait n’était pas échue, le salarié saisissait le Conseil de prud’hommes : à  son sens, l’employeur aurait dû solliciter l’autorisation administrative pour pouvoir le licencier, .

L’employeur soutenait dans le cadre des débats, que la renonciation au mandat de délégué syndical avait produit ses effets dès l’instant où le salarié en avait informé son syndicat, le 21 janvier 2016, de sorte qu’à compter de cette date, il ne pouvait plus se prévaloir de son statut protecteur auprès des tiers.

Plus encore, l’employeur justifiait en avoir été informé, en se référant à un extrait d’un procès-verbal d’audition de la salariée par les services de police, à l’occasion duquel elle avait pu indiquer « que lors d’une réunion du comité d’entreprise en date du 26 janvier 2016, le directeur de la société avait dit qu’il ne savait pas si je pouvais assister à cette réunion car il devait d’abord contacter son juriste pour savoir si j’avais le droit d’y participer. Je tiens à préciser que j’avais été convoquée par le directeur de la société afin de participer à cette réunion ».  

Toutefois, en réponse, le Conseil de prud’hommes, tout comme la Cour d’appel, a prononcé la nullité du licenciement pour violation du statut protecteur, orientation confirmée par la Cour de cassation qui rappelle que la démission du salarié de son mandat de délégué syndical, prend effet à l’égard de l’employeur à la date à laquelle cette démission est portée à sa connaissance.

Etaient alors manifestement jugés comme étant insuffisants, les éléments de preuve rapportés par l’employeur dans l’objectif de démontrer que l’information de la démission du salarié de son mandat, avait été porté à sa connaissance antérieurement au 1er février 2016, date du courrier du syndicat.

Cette décision est donc l’occasion de rappeler que lorsqu’un salarié mandaté entend renoncer à ce dernier, et que l’employeur entend prendre d’éventuelles décisions le concernant, il lui revient de s’assurer d’être en possession d’éléments de preuves utiles et incontestables à la démonstration d’une information antérieure à la mise en œuvre de la mesure, où d’attendre une confirmation officielle (voire la solliciter le cas échéant).

Par ailleurs, à l’occasion de son examen, la Cour de cassation rappelle que le salarié licencié en méconnaissance de son statut protecteur, après l’expiration de la période de protection, ne peut bénéficier de cette indemnité qui, par nature, couvre le préjudice lié à la perte du mandat.

Or, au cas particulier, il n’existait plus de préjudice lié à la perte du mandat puisque le salarié ne bénéficiait plus d’aucun mandat, ni de statut protecteur (ce dernier ayant pris fin le 1er février 2016) lorsque son licenciement a été prononcé le 4 mars 2016.