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La recevabilité de l’action des syndicats sur le fondement de l’égalité de traitement 

Cass. Soc., 22 novembre 2023, n°22-11.238

Cass. soc., 22 novembre 2023, n°22-14.807

Dans deux affaires du même jour, la Cour de cassation confirme l’intérêt à agir des syndicats dans le cadre d’un litige tendant à mettre fin à une inégalité de traitement, tout en déniant aux mêmes syndicats le droit de se substituer aux salariés pour régulariser leur situation salariale.

1ère affaire : Cass. Soc., 22 novembre 2023, n°22-11.238

Un employeur a décidé d’attribuer des augmentations générales de salaires sur la base des tranches de salaire.

Un syndicat conteste, sur le fondement de l’égalité de traitement, les modalités de calcul de ces augmentations salariales et sollicite que les augmentations générales de salaires soient attribuées en fonction de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique.

Il demande également que soit ordonné, sous astreinte, la rectification des bulletins de salaire sur 3 ans.

La Cour d’appel a jugé recevable l’action du syndicat en ce qu’elle tend à solliciter des augmentations générales de salaire et fait droit à cette demande, mais rejette celle relative à la rectification des bulletins de salaire.

La Cour de cassation confirme cette analyse et confirme que l’action tendant à la reconnaissance d’une irrégularité sur le fondement de l’égalité de traitement relève bien de la défense des intérêts collectifs, alors que celle tendant à la rectification des situations individuelles relève de l’action individuelle des salariés concernés.

2ème affaire : Cass. soc., 22 novembre 2023, n°22-14.807

Une fédération syndicale saisit le Tribunal judiciaire sur le fondement de l’inégalité de traitement portant atteinte à l’intérêt collectif de la profession, au motif que, suite à différentes opérations de fusions absorption, certains salariés ne bénéficient pas de la prime de 13ème mois.

Outre des dommages et intérêts au titre de l’atteinte à l’intérêt collectif de la profession, elle demande à la juridiction d’ordonner, sous astreinte, à l’employeur d’y mettre fin, et de mettre en place pour l’avenir une prime de 13ème mois pour ceux qui n’en bénéficient pas et de régulariser pour le passé la situation des salariés dans la limite de 3 ans.

La Cour d’appel considère que l’action de la fédération est irrecevable au motif que le constat d’une atteinte à l’égalité de traitement suppose une comparaison de la situation individuelle des salariés, ce qui ne relève pas de la défense des intérêts collectifs de la profession.

La Cour de cassation censure ce raisonnement et distingue la finalité de l’action tendant à mettre fin à une situation d’inégalité, qu’elle estime recevable, de celle tendant au rétablissement individuel de la prime dont elle confirme l’irrecevabilité.

La position de la Cour de cassation dans ces deux affaires :

Dans ces deux affaires, au visa de l’article L.2132-3 du Code du travail, la Cour de cassation rappelle qu’un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l’existence d’une irrégularité commise par l’employeur au regard des dispositions légales, règlementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d’égalité de traitement et demander, outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession, qu’il soit enjoint à l’employeur d’y mettre fin pour l’avenir.

Pour autant, cette action ne peut avoir pour objectif de régulariser la situation personnelle des salariés concernés, charge à ces derniers d’agir eux-mêmes en justice.

Par ces deux décisions, la Cour de cassation réaffirme sa jurisprudence sur la notion d’intérêt collectif de la profession et sa distinction, ferme, avec ce qui relève du droit individuel du salarié.

Il appartiendra aux salariés concernés d’agir en justice pour solliciter la régularisation de sa situation en justice pourra se prévaloir de la décision rendue dans le cadre de l’action du syndicat, et qui aurait reconnu l’inégalité de traitement, pour obtenir réparation.