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La Cour de cassation précise l’étendue de la mission de l’expert-comptable désigné par le CSE en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Cass. soc., 1er juin 2023, n°21-23.393, publié

Par un arrêt du 1er juin 2023, la Cour de cassation précise que la mission de l’expert-comptable désigné par le CSE en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise :

  • Peut porter sur la situation et le rôle de l’entreprise au sein du groupe auquel elle appartient.
  • Ne peut porter que sur l’année en cours et les deux années précédentes.

Notre commentaire :

Le CSE de l’entreprise CRM08 (entreprise appartenant au groupe Comdata) a désigné par délibération du 4 juin 2021 un expert-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise au titre de l’année 2020.

Le 14 juin, l’expert a adressé à l’employeur sa lettre de mission qui prévoyait notamment que :

-L’expertise porterait également sur la situation du groupe Comdata et du groupe Comdata en France ainsi que la situation de la société CRM08 au sein du groupe Comdata ;

-L’expertise s’étendrait aux cinq derniers exercices.

Le 23 juin, l’employeur a saisi le Président du Tribunal Judiciaire afin de demander que la mission de l’expert-comptable soit limitée :

-A la situation économique et financière de l’entreprise CRM08 et ne s’étende pas à la situation du groupe Comdata ou à la situation de l’entreprise CRM08 au sein du groupe Comdata.

-Aux années 2019, 2020 et 2021, et ne s’étende pas aux exercices 2016, 2017 et 2018.

Le Président du Tribunal Judiciaire a rejeté les demandes de l’employeur en considérant que :

-La mission de l’expert-comptable peut porter sur la situation et le rôle de l’entreprise au sein du groupe auquel elle appartient ;

-Aucune disposition légale ne permet de limiter la mission de l’expert-comptable à l’année en cours et aux deux années précédentes.

La Cour de cassation valide le premier point mais censure le second.

  • Sur le premier point (l’extension de l’expertise à la situation de l’entreprise au sein du groupe) :

Elle rappelle que :

-La mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise, conformément à l’article L. 2315-89 du code du travail ;

Pour opérer toute vérification ou tout contrôle entrant dans l’exercice de ses missions, l’expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes de l’entreprise, conformément à l’article L. 2315-90 du code du travail ;

-Conformément à l’article L. 823-14 du code du commerce, les investigations du commissaire aux comptes peuvent être faites tant auprès de l’entité dont le commissaire aux comptes est chargé de certifier les comptes que des personnes ou entités qui contrôlent cette entité ou qui sont contrôlées par elle.

La Cour de cassation en conclut donc que le Président du Tribunal Judiciaire a eu raison de considérer que la mission d’expertise pour l’examen de la situation économique et financière de l’entreprise peut porter sur la situation et le rôle de l’entreprise au sein du groupe auquel elle appartient.

  • Sur le second point (la limitation temporelle de l’expertise) :

La Cour de cassation rappelle que l’article R. 2312-10 du code du travail prévoit que les informations figurant dans la Base de données économiques et sociales portent sur l’année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu’elles peuvent être envisagées, sur les trois années suivantes.

Elle en conclut que :

  • L’expertise à laquelle le CSE peut décider de recourir en vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière ne peut porter que sur l’année qui fait l’objet de la consultation et les deux années précédentes ;
  • Dès lors, le Président du Tribunal Judiciaire a eu tort de considérer que la mission de l’expert-comptable ne pouvait pas être limitée à l’année en cours et aux deux années précédentes.

Cette décision s’inscrit dans la lignée déjà définie par la Cour de cassation dans des décisions antérieures, qui appréhende de manière souple l’étendue des prérogatives de l’expert-comptable intervenant dans le cadre des consultations récurrentes du CSE, tant sur le plan temporel que matériel. Elle permet de clarifier encore davantage les contours de ses prérogatives, et de lever ainsi, en pratique, d’éventuels désaccords, voire actions judiciaires quant à ses modalités d’intervention.