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A quelles conditions l’astreinte est-elle susceptible d’être requalifiée en temps de travail effectif ?

Cass. Soc., 26 octobre 2022, n° 21-14.178

Selon un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 26 octobre 2022, l’astreinte doit être requalifiée en temps de travail effectif, lorsqu’elle impose des contraintes telles qu’elles affectent objectivement et significativement la vie privée du salarié

En l’espèce, un dépanneur demandait la requalification de ses temps d’astreinte en travail effectif en raison du délai très court qui lui était imparti pour se rendre sur le lieu de l’intervention : il soutenait que cette contrainte affectait objectivement et significativement sa faculté à gérer son temps libre et à vaquer librement à ses occupations.   

Débouté en appel, le salarié obtient gain de cause en cassation. La Haute Cour reprend à son compte les principes déjà posés par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans une décision du 9 mars 2021, interprétant la directive 2003/88, et estime qu’une astreinte doit être considérée comme du temps de travail effectif lorsque les salariés sont soumis à des contraintes d’une intensité telle qu’elles affectent objectivement très significativement leur faculté à gérer leur temps libre

Pour rappel, le droit de l’Union distingue les périodes de « garde » nécessairement réalisées sur le lieu de travail ou à proximité, des périodes « de garde sous régime d’astreinte ».

Les premières, caractérisées par l’obligation pour le travailleur de demeurer sur son lieu de travail, ou à proximité de celui-ci, à la disposition immédiate de son employeur, et de rester ainsi éloigné de son environnement social et familial, sont systématiquement considérées par la CJUE, comme du temps de travail effectif.

Dans le cadre d’une période de garde sous régime d’astreinte pour laquelle le salarié n’est pas tenu de demeurer sur son lieu de travail, la juridiction européenne invite les juridictions nationales à interroger le « degré d’intensité » des contraintes susceptibles d’affecter « objectivement et très significativement » la vie personnelle du salarié, afin d’arbitrer si le temps d’astreinte doit, ou non, être requalifié en temps de temps de travail effectif.

Plus précisément, le juge est invité à apprécier objectivement les sujétions issues du cadre juridique et opérationnel mis en place par l’entreprise, et auxquelles est soumis le salarié, en particulier concernant :

– La réactivité demandée,

– Et la fréquence des interventions,

– Afin de mesurer leur impact sur la faculté du salarié de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts, pendant les périodes d’astreinte.

En revanche, les contraintes personnelles propres au salarié telle que l’éloignement de son lieu de travail ne constituent pas un facteur déterminant.

Les notions de temps de travail et de temps de repos étant des notions relevant du Droit de l’Union, la Cour de cassation, dans son arrêt du 26 octobre 2022 a donc simplement repris les critères définis par la CJUE et les a appliqués au cas d’espèce.

Cet arrêt met ainsi en évidence le risque de requalification du temps d’astreinte en temps de travail effectif et bien entendu les conséquences financières susceptibles d’en découler. Il invite donc à mener une réflexion précise et approfondie sur les modalités opérationnelles de déroulement des astreintes.