Publications

Sanction disciplinaire : deux arrêts du 23 juin 2021 apportent des précisions sur la notion « d’employeur »

Selon l’article L. 1332‑4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au‑delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

De même,  l’article L. 1331‑1 du même code dispose que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Mais que signifie dans ces dispositions le terme « employeur » ?

Dans la première affaire (pourvoi n° 20‑13.762) un enquêteur est licencié pour avoir tenu des propos dénigrant son entreprise devant des clients lors d’une réunion à laquelle était présent un inspecteur/formateur.

Les juges du fond considèrent alors que les faits reprochés au salarié ne sont pas prescrits lorsqu’ils sont sanctionnés puisque la société en a eu connaissance, par l’intermédiaire de l’inspecteur formateur, moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement.

Mais la Cour de Cassation ne suit pas ce raisonnement, cette dernière considère :

– d’une part qu’« en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le formateur lors de la réunion du 6 avril 2012 avait la qualité de supérieur hiérarchique du salarié, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » ;

et d’autre part  que « l’employeur, au sens de [l’article L. 1332‑4 du Code du travail], s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir ».

Dans la seconde affaire (pourvoi n° 19‑24.020), un infirmier est licencié le 4 février 2013 après que l’infirmière coordinatrice qui le chapeautait ait avisé la direction le 15 janvier 2013 des faits fautifs dont elle avait eu connaissance en date du 30 décembre 2012.

Néanmoins, le 4 janvier 2013, l’employeur a également notifié à ce même infirmier un avertissement en raison d’absences injustifiées et de négligences dans son travail, constatées en octobre et novembre 2012.

La problématique était similaire : quand l’employeur au sens de l’article L 1331-1 du Code du Travail avait-il été informé des faits fautifs ?

La Cour de cassation a énoncé le même principe : dès lors que la supérieure hiérarchique directe du salarié (l’infirmière coordinatrice)  avait été informée des faits ayant motivé le licenciement dès le 31 décembre 2012, soit avant la notification de l’avertissement du 4 janvier 2013 pour d’autres faits, l’employeur devait à cette même date être regardé comme informé, en sorte qu’il avait épuisé son pouvoir disciplinaire pour l’ensemble des faits dont il avait connaissance avant le 4 janvier 2013 et ne pouvait prononcer ultérieurement un licenciement pour des faits connus à cette date.

Là encore : « l’employeur, au sens de ce texte, s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir. »

De ces deux arrêts il faut donc retenir que l’employeur s’entend également du supérieur hiérarchique direct du salarié. Ainsi, lorsque ce dernier a connaissance de faits commis par un des salariés qu’il supervise, et qui pourraient faire l’objet d’une sanction, le délai de prescription commence à courir dès ce moment-là et non quand il en informe la direction titulaire du pouvoir disciplinaire à l’égard du salarié en question.