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Résistance des juges du fond à l’application du barème Macron

Par jugement du 13 décembre 2018, le Conseil de Prud’hommes de Troyes a écarté l’application du barème des indemnités allouées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’article L. 1235-3 du Code du travail, le jugeant contraire à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne et à l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT reconnaissant le droit des salariés à une «indemnité adéquate» et à une «réparation appropriée».

Par cette décision le Conseil de Prud’hommes de Troyes adopte la même position que la décision du Comité Européen des Droits Sociaux du 8 septembre 2016, qui avait jugé contraire à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne, le plafonnement des indemnités par la Loi Finlandaise à 24 mois, au motif qu’il pouvait «laisser subsister des situations dans lesquelles l’indemnisation accordée ne couvre pas le préjudice subi».

Rappelant que le barème prévoit une indemnisation jusqu’à 20 mois de salaire, le Conseil de Prud’hommes de Troyes considère « qu’en introduisant un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales, l’article L. 1235-3 du Code du travail ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi ».

Ce jugement du Conseil de Prud’hommes de Troyes ne manque pas d’étonner car sur la base de ces mêmes textes supranationaux, le Conseil de Prud’hommes du Mans avait au contraire considéré que «si l’évaluation des dommages-intérêts est encadrée entre un minimum et un maximum, il appartient toujours au juge, dans les bornes du barème ainsi fixé de prendre en compte tous les éléments déterminant le préjudice subi par le salarié […] ». (CPH, Le Mans, 26 septembre 2018, nº 17/00538).

S’il ne s’agit que d’une première décision, la remise en cause de l’applicabilité du barème d’indemnités par le jugement du 13 décembre 2018, du Conseil de Prud’hommes de Troyes interroge quant à la prévisibilité des conséquences de la rupture du contrat de travail, qu’il entend instaurer.

Dans les faits, le salarié ayant moins de trois ans d’ancienneté, se voit octroyer in fine, presque 9 mois de salaire, alors qu’il ne pouvait prétendre au maximum, en application du barème, qu’à 3,5 mois de salaire.

A l’aube de l’année 2019, les arrêts des Cours d’appel se font attendre sur cette question.