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Passer d’une ligne à deux sur le bulletin de salaire : une modification du contrat de travail…

Cass. Soc., 13 mars 2024, n° 22-22.032

Une salariée est embauchée en qualité d’employée libre-service à temps partiel.

Sur ses bulletins de paie, depuis 13 ans, figurait une seule ligne relative à son salaire mensuel, avec la mention de 130 heures de travail par mois.

À compter du mois de septembre 2014, les bulletins de salaire ont été modifiés pour inclure désormais deux lignes distinctes :

  • Une ligne avec la mention du salaire mensuel pour 123,80 heures par mois,
  • Une seconde ligne mentionnant un temps de pause de 6,20 heures par mois.

Il est important de noter que ce temps de pause était rémunéré au même taux horaire que les heures de travail, malgré ce changement d’affichage sur le bulletin de paie.

Ainsi, l’employeur continuait de rémunérer la salariée pour 130 heures par mois.

La salariée a saisi le Conseil de prud’hommes et a sollicité un rappel de salaires fondé sur une modification unilatérale par l’employeur.

La Cour d’appel n’a pas accédé à sa demande, estimant qu’aucune modification unilatérale du contrat de travail n’était établie, puisque l’employeur rémunérait toujours la salariée pour 130 heures.

Cependant, la Cour de cassation a censuré cette position, affirmant que la durée du travail stipulée dans le contrat de travail est un élément essentiel qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié, même si la rémunération est maintenue.

La haute juridiction s’est appuyée sur les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1134 du Code civil (devenu 1103 du même Code), relatifs au consentement des parties contractantes, et à la bonne foi contractuelle.

Par conséquent, l’employeur aurait dû obtenir l’accord explicite de la salariée pour modifier la présentation du bulletin de paie.

Cet arrêt illustre le principe largement établi selon lequel la durée contractuelle du travail, base du calcul de la rémunération, est un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié, peu importe l’absence d’impact négatif sur la rémunération. (Cass. Soc., 30 avril 2011, n°09-70.853)

La Cour de cassation élargit ainsi le champ d’application de ce principe au bulletin de salaire, qui est manifestement un élément contractuel engageant l’employeur, rappelant ainsi que toute modification des mentions du contrat de travail doit être abordée avec précaution.