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Licenciement collectif pour motif économique et consultation du CSE : les salariés reclassés sont exclus du nombre de salariés à prendre en compte

Cass. soc., 5 avril 2023 n°21-10.391

La Cour de cassation, dans un arrêt du 5 avril dernier, a apporté des précisions concernant l’appréciation du caractère collectif du licenciement pour motif économique, déclenchant l’obligation de mettre en œuvre une procédure de consultation des représentants du personnel – le comité d’entreprise dans les faits de l’espèce.

Pour mémoire, en application de l’article L. 1233-8 du Code du travail, l’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif – donc d’au moins deux salariés – pour motif économique, sur une même période de trente jours, doit réunir et consulter le comité social et économique.

En l’occurrence, l’employeur, qui avait initialement envisagé le licenciement pour motif économique de trois salariés – dont les postes étaient supprimés – a finalement engagé la procédure de licenciement pour un seul d’entre eux : deux des salariés concernés ont accepté la proposition de reclassement, emportant modification de leur contrat de travail, qui leur avait été adressée.

Le licenciement n’ayant concerné qu’un seul salarié, l’employeur a estimé ne pas avoir à consulter les représentants du personnel.

La cour d’appel a considéré, au contraire, que l’employeur aurait dû consulter les représentants du personnel en raison du caractère collectif du licenciement envisagé au départ, peu important que deux des salariés concernés aient accepté la proposition de reclassement.   

Telle n’est pas l’analyse de la Cour de cassation : puisque deux des salariés avaient accepté le poste de reclassement proposé et que le licenciement n’avait été envisagé qu’à l’égard d’un seul, aucune procédure de consultation du CSE ne s’imposait. Le licenciement prononcé pour motif économique dans une telle configuration revêt un caractère individuel.

Le pragmatisme apparent de cette décision interpelle et doit inciter à la prudence.


Certes, le fait de proposer à un salarié une modification d’un élément essentiel de son contrat de travail pour un motif économique, n’implique pas nécessairement de respecter la procédure de licenciement pour motif économique. En ce sens, la décision de la Cour de cassation s’inscrit dans l’esprit même de l’article L. 1233-25 du Code du travail, au titre duquel le régime du licenciement collectif pour motif économique s’applique uniquement lorsqu’au moins dix salariés ont refusé la modification d’un élément essentiel de leur contrat de travail.

Pour autant, cette position peut surprendre, dès lors que :

  • l’article L. 1233-8 du Code du travail précise bien que le caractère collectif du licenciement est identifié lorsque l’employeur « envisage » un licenciement pour motif économique d’au moins deux salariés sur une période de trente jours.
  • et que le CSE doit – au titre de sa compétence générale consacrée à l’article L. 2312-8 du Code du travail – être informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, et notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, et sur la modification de l’organisation économique ou juridique.

La contradiction des textes légaux a donc été, semble-t-il, tranché par la Cour en faveur d’une interprétation restrictive : à son sens, le licenciement pour motif économique n’a pas été « envisagé » au stade des propositions de reclassement, mais seulement lorsque celles-ci ont été refusées.