Publications

Dès lors qu’un syndicat – même non représentatif – participe aux négociations du PAP, l’employeur doit saisir la DREETS en l’absence d’accord sur la répartition des sièges et du personnel entre les collèges

Cass. soc., 20 septembre 2023, n°22-60.114

Le 6 avril 2021, l’Union des syndicats anti-précarité (USAP) demande à la Société REPOTEL d’organiser des élections des membres du CSE. Il s’agit de la première mise en place de l’instance. L’employeur invite les organisations syndicales à négocier un protocole d’accord pré-électoral. Deux syndicats non représentatifs dans l’entreprise participent à la négociation : l’USAP et l’UNSA.

La négociation du PAP échoue et la Société organise les élections unilatéralement. L’USAP et l’UNSA ne présentent aucun candidat. En revanche, deux candidates de la liste CFDT sont élues.

L’USAP saisit alors le TJ de Melun pour demander l’annulation des élections et que soit ordonnée la négociation d’un protocole d’accord pré-électoral, considérant que l’employeur ne pouvait définir unilatéralement la répartition des sièges et du personnel dans les collèges.

Le TJ de Melun rejette la demande du syndicat au motif que la répartition du personnel et des sièges entre les collèges établie unilatéralement par l’employeur, est conforme aux dispositions légales. Par conséquent, selon le tribunal, le seul fait que l’employeur n’ait pas saisi la DREETS à cet effet n’a pas été de nature à influencer le résultat des élections.

Le syndicat se pourvoit en cassation.

Devant la Cour de cassation il fait valoir le fait que dès lors qu’au moins une organisation syndicale (représentative ou non), a répondu à l’initiative de l’employeur d’engager la négociation d’un PAP, mais qu’aucun accord n’a pu être obtenu, seule l’Administration peut répartir le personnel et les sièges entre les différents collèges électoraux. L’employeur aurait donc dû saisir la DREETS au lieu de procéder unilatéralement à cette répartition.

La Cour de cassation devait donc déterminer si, en l’absence de conclusion d’un PAP, l’employeur a l’obligation de saisir l’Administration pour répartir le personnel et les sièges entre les collèges lorsque seuls des syndicats non représentatifs dans l’entreprise, ont pris part à la négociation du PAP.

En effet s’agissant des premières élections du CSE, aucun des deux syndicats ayant participé à la négociation n’était représentatif dans l’entreprise.

Autrement dit, la Cour de cassation devait se prononcer sur l’articulation entre les articles L2314-14 et L2314-13 alinéa 3 du code du travail dont les termes peuvent, au premier abord, apparaître contradictoires.

Le premier prévoit que l’employeur répartit de façon unilatérale le personnel et les sièges entre les différents collèges électoraux « lorsqu’aucune organisation syndicale représentative dans l’entreprise n’a pris part à la négociation ».

Le second prévoit que l’Administration est saisie pour procéder à cette répartition « lorsqu’au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation à la négociation et qu’aucun accord n’a pu être obtenu ».

Au vu de la rédaction combinée de ces textes, la question se posait de savoir si l’employeur a l’obligation de saisir la DREETS lorsque seule(s) une ou plusieurs organisations syndicales non représentatives participent à la négociation du PAP – à l’exclusion de toute organisation syndicale représentative.

L’employeur peut-il procéder à une répartition unilatérale du personnel et des sièges, dans la mesure où aucune organisation syndicale représentative n’a participé aux négociations du PAP ?

Ou faut-il obligatoirement saisir la DREETS dès lors qu’au moins une organisation syndicale (même non représentative) a répondu à l’invitation de négocier ?

La Cour de cassation tranche en faveur de cette deuxième solution.

Elle énonce la règle prévue par l’article L2314-6 selon laquelle la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges fait l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales.

Puis elle rappelle que selon l’alinéa 3 de l’article L2314-13 : « lorsqu’au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation à négocier de l’employeur et que l’accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l’autorité administrative procède à cette répartition entre les collèges électoraux. »

La Cour de cassation en déduit que dès lors qu’une organisation syndicale (même non représentative dans l’entreprise) a manifesté son intention de participer à la négociation préélectorale, l’employeur, à défaut d’accord préélectoral conclu selon les conditions légalement requises, a l’obligation de saisir l’autorité administrative pour faire procéder à la répartition des sièges et des électeurs au sein des collèges électoraux.

Peu importe donc, selon la Cour de cassation, la répartition retenue par l’employeur : l’Administration n’ayant pas été saisie alors qu’au moins un syndicat avait participé aux négociations du PAP, les élections doivent, de ce seul fait, être annulées.

Ainsi, en l’absence de PAP, la répartition des sièges et du personnel entre les collèges ne peut être décidée unilatéralement par l’employeur que si aucun syndicat n’a répondu à l’invitation d’entrer en négociation du protocole.

Au contraire, dès lors qu’un syndicat, même non représentatif dans l’entreprise, a manifesté son intention de participer à la négociation, l’Administration doit être saisie.