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Articulation entre délai de prescription disciplinaire et proposition de modification du contrat de travail à titre de sanction (mutation disciplinaire)

Par un arrêt publié le 27 mai 2021, la Cour de cassation apporte des précisions sur l’effet d’une proposition de mutation disciplinaire à l’égard du délai de prescription disciplinaire

 La notification par l’employeur, après l’engagement de la procédure disciplinaire, d’une proposition de modification de contrat de travail soumise au salarié, interrompt le délai de prescription disciplinaire. En outre, le refus de cette proposition par le salarié interrompt à nouveau le délai.

Cass. soc., 27 mai 2021, n° 19-17.587, Publié au bulletin

Notre commentaire :

  • Dans le cadre d’une procédure disciplinaire qu’il a engagée, un employeur notifie le 2 mai 2013 à son salarié une mutation disciplinaire et lui donne jusqu’au 10 mai suivant pour faite connaitre son accord (précisant que faute de réponse dans ce délai, il sera réputé avoir refusé).Le 16 juillet 2013, l’employeur convoque le salarié à un nouvel entretien préalable et lui propose cette fois-ci une rétrogradation disciplinaire, qui sera acceptée.
  • Ce n’est finalement que le 18 mai 2013, soit 8 jours après la date limite, que le salarié donnera sa réponse : négative.
  • Le salarié va par la suite demander la nullité de cette rétrogradation au motif que celle-ci a été notifiée hors du délai de prescription disciplinaire de 2 mois. La cour d’appel va lui donner raison et l’employeur va se pourvoir en cassation.
  • La Cour de cassation valide la position de la cour d’appel aux motifs suivants :
  • Elle édicte en premier lieu le principe général suivant :
    • la notification par l’employeur, après l’engagement de la procédure disciplinaire, d’une proposition de modification de contrat de travail soumise au salarié, interrompt le délai de prescription disciplinaire ;
    • le refus d’une telle proposition par le salarié interrompt à nouveau le délai de prescription disciplinaire.
  • Elle précise en outre que la convocation par l’employeur à un nouvel entretien préalable en vue d’une autre sanction disciplinaire doit donc intervenir dans les deux mois de ce refus.
  • Néanmoins, une nuance en l’espèce va donner raison au salarié : si celui-ci avait expressément refusé sa rétrogradation le 18 mai 2013, c’est la date du refus implicite fixée par l’employeur qui est retenue par la Cour de cassation comme point de départ du nouveau délai de prescription, soit le 10 mai 2013.

L’employeur a donc bien envoyé sa nouvelle convocation à entretien préalable hors délai (le 16 juillet 2013) et a fortiori, la notification de la rétrogradation disciplinaire était donc bien prescrite.

  • Par cette solution, la Cour de cassation confirme, pour la première fois à notre connaissance, que la notification d’une proposition de modification de contrat à titre de sanction disciplinaire (rétrogradation, mutation) ainsi que le refus de cette proposition interrompent le délai de prescription disciplinaire et font donc chacun courir un nouveau délai de 2 mois.
  • En outre, d’un point de vue opérationnel, cet arrêt apporte une autre précision importante : dans l’hypothèse où l’employeur assortirait sa proposition de modification d’un délai de réponse et qu’il préciserait que le silence gardé à l’expiration de ce délai vaudrait refus, c’est alors la date d’expiration de ce délai qui ferait partir le nouveau délai de prescription, peu importe que le salarié ait notifié son refus a posteriori.