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Acquisition des congés payés durant la maladie : le Conseil Constitutionnel est saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité

Cass. Soc., QPC 15 novembre 2023 n°23-14.806 FS-B

Les articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5° du Code du travail sont contraires au droit européen dans la mesure où ils empêchent toute acquisition de congés payés durant les périodes d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle et limitent cette acquisition aux arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle ne dépassant pas un an.

Par plusieurs arrêts du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a procédé à une mise en conformité du droit français avec le droit européen en matière d’acquisition des congés payés durant les périodes de maladie.

Les dispositions du Code du travail sont toutefois toujours en vigueur à ce jour en l’absence d’intervention du législateur.

Cela devrait toutefois changer dans les prochains mois, puisque le 15 novembre dernier, la Cour de cassation a décidé de transmettre au Conseil constitutionnel deux QPC visant ces deux articles.

Selon la requérante à l’origine de ces QPC, ces dispositions porteraient atteinte au droit à la santé et au repos, garanti par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, dès lors qu’elles « ont pour effet, de priver, à défaut d’accomplissement d’un travail effectif, le salarié en congé pour maladie d’origine non professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés, et le salarié en congé pour une maladie d’origine professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés au-delà d’une période d’un an ».

La requérante soulève également un risque d’atteinte au principe d’égalité, garanti par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et la Constitution du 4 octobre 1958, en ce que l’article L. 3141-5, 5° du Code du travail « introduit, du point de vue de l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».

La Cour de cassation considère que ces questions présentent un caractère sérieux et méritent d’être analysées par le Conseil Constitutionnel dans la mesure ou en cas d’absence du salarié pour cause de maladie :

– l’article L. 3141-3 du Code du travail exclut tout droit à congé payé lorsque l’arrêt de travail a une origine non professionnelle ;

– l’article L. 3141-5, 5º du Code du travail ne permet pas l’acquisition de droit à congé payé au-delà d’une période ininterrompue d’un an en cas d’arrêt d’origine professionnelle.

Par ailleurs, elle précise que l’article L. 3141-5, 5° du Code du travail « traite de façon différente au regard du droit à congé payé les salariés en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie, selon l’origine, professionnelle ou non, de la situation de santé qui a justifié l’arrêt de travail ».

Le Conseil constitutionnel, dispose désormais d’un délai de trois mois pour se prononcer sur la conformité de ces dispositions au regard du droit constitutionnellement garanti à la santé et au repos et du principe d’égalité.

Il pourrait censurer ces dispositions et ainsi contraindre le législateur à intervenir.